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Nous voilà presque rendus à Noël, période de réjouissances, de temps partagé avec les gens qu’on aime, de bonnes bouffes et d’accolades. Les bûches brûlent dans la cheminée pendant que la neige tombe doucement à l’extérieur. Voilà le moment parfait pour se lover à son amoureux devant le feu de foyer. C’est très romantique! Comment les couples relevant le défi quotidien de la maladie ou de la perte d’autonomie peuvent encore bénéficier de cette romance? Quels sont les défis qu’ils doivent relever au jour le jour pour demeurer amoureux? Quels sont les trucs qu’ils développent pour faire durer cet amour? Voilà ce dont parlera cet article, le deuxième d’une série de deux portant sur la proche aidance en couple.

 

Aider quotidiennement son amoureux est exigeant. La recension des écrits sur le sujet rapporte quatre défis importants que doivent relever les proches aidants en couple afin de préserver leur vie personnelle et conjugale.

 

1. Le premier défi est celui de conserver un bon fonctionnement psychologique. L’annonce de la maladie ou la dégradation de l’autonomie de son conjoint ou de sa conjointe amène souvent une charge émotive non seulement chez le conjoint atteint, mais aussi chez son compagnon ou sa compagne de vie. Il n’est pas facile de conserver un équilibre mental et de gérer adéquatement ses émotions quand on se trouve aux premières loges pour constater les conséquences dévastatrices qu’engendre la maladie ou la perte d’autonomie chez son conjoint ou sa conjointe. Les proches aidants ne veulent souvent pas préoccuper leur conjoint davantage avec leurs appréhensions ou encore leur grande émotivité. Ils se disent bien souvent que ce dernier a bien assez de vivre la situation sans qu’on lui en ajoute! Toutefois, s’ils ne prennent pas garde, c’est la dépression, l’anxiété et la détresse qui risquent de se développer chez eux (Fischer, Chesla, Skaff, Mullan et Kanter., 2002). Ils doivent donc trouver un moyen d’abaisser cette charge émotive. Dans certaines situations, cela peut être un véritable défi de rester zen dans pareille situation.

 

2. Le second défi auquel s’expose le proche aidant en couple est d’offrir du soutien conjugal en respectant ses limites personnelles. Quand la perte d’autonomie ou la maladie s’aggravent, il devient parfois difficile de soutenir son conjoint sur plusieurs dimensions : physique, psychologique, émotionnelle, financière, etc. Demeurer une équipe face à la maladie ou à la perte d’autonomie permet au couple de demeurer plus satisfait au plan conjugal et solidifierait les liens entre les partenaires (Badr, Acitelli, Duck et Carl. 2001). Toutefois, cela demande aux partenaires de demeurer sensibles à l’autre, de ne pas exiger des choses qui outrepassent les limites de l’autre. De cette façon, intimité et complicité peuvent être au rendez-vous!

 

3. Le troisième défi à relever est le maintien de la communication entre les conjoints. La maladie et la perte d’autonomie mettent à rude épreuve cette dimension chez les couples. En plus des conflits existants, il vient s’ajouter des désaccords découlant de situations associées à maladie ou à la perte d’autonomie. Les conflits peuvent porter sur la modification du mode de vie (ex., adapter son alimentation), sur l’investissement du conjoint malade dans son traitement, sur la décision de subir ou non un traitement ou une opération, etc. (Cano, Johansen, Leonard et DeGroot-Hanawalt, 2005). Bien sûr, plus les conjoints discutent de leurs émotions, de leurs appréhensions et de leurs attentes face à la maladie ou la perte d’autonomie, plus le couple peut se rapprocher dans cette épreuve et plus chacun peut comprendre les limites ou les inconforts de l’autre puis les respecter.

 

4. Le quatrième défi est de rester un couple satisfait de sa vie conjugale et sexuelle malgré la maladie et la perte d’autonomie du conjoint ou de la conjointe. Plusieurs dimensions sont appelées à être redéfinies, par exemple les projets communs ou encore l’expression de la sexualité (Cano et al., 2005). Dans certaines circonstances, cela devient très difficile de maintenir la satisfaction puisque la maladie ou la perte d’autonomie transforme tellement l’amoureux que le proche aidant en vient presque à avoir l’impression de partager son quotidien avec une personne inconnue. Dans ces cas, le proche aidant doit parfois s’assurer de recevoir l’affection et la chaleur d’autres personnes de son entourage afin de conserver son équilibre personnel.

 

Malgré tous les défis à relever, plusieurs couples choisissent de demeurer amoureux. Comment font-ils? Il est clair que le mot « adaptation » est un incontournable pour ces couples, mais plusieurs couples réussissent à demeurer amoureux dans ce contexte.

 

Un des trucs pour y parvenir est de partager avec son conjoint des activités ou passe-temps qu’on aime. On peut en dresser une petite liste et prévoir quelques moments durant le mois pour en pratiquer. Cela peut être aussi simple qu’une partie de cartes, une marche, une visite de nos petits-enfants, ces petits moments de fous rires, de plaisir partagé favoriseront le maintien de l’intimité et de la satisfaction conjugale.

 

Autre truc pour conserver une vie amoureuse satisfaisante est le respect du conjoint malade concernant les choix qu’il fait à propos de sa maladie. Il arrive que des désaccords se produisent au niveau des traitements, des interventions, des demandes d’aide par exemple. Le conjoint proche aidant peut faire valoir son point de vue, mais il demeure essentiel de départager ce qui lui appartient de ce qui appartient au conjoint malade ou en perte d’autonomie. Par exemple, le refus d’essayer un nouveau traitement appartient au conjoint malade, mais le choix de demander de l’aide pour prendre un bain reviendrait aux deux partenaires si c’est le conjoint proche aidant qui assure cet aide présentement et qu’il devient difficile pour lui de le faire. De plus, si les couples souhaitent préserver une belle qualité de relation, il faut déterminer les temps où on discute de la maladie ou de la perte d’autonomie pour éviter que cette réalité monopolise tout le temps passé ensemble. Il faut aussi que le conjoint malade soit capable d’ajuster ses attentes envers le conjoint proche aidant. Avoir des demandes déraisonnables envers son conjoint ou sa conjointe peut conduire celui-ci à éprouver beaucoup de colère ou de détresse. Il est important d’être sensible à ce qu’impliquent les choix faits pour le proche aidant. Le manque de considération du point de vue de l’autre affectera la qualité du lien entre les amoureux. Il faut être prêt à accepter de l’aide extérieure lorsque celle-ci s’avère nécessaire pour éviter l’épuisement.

 

Ensuite, d’autres couples précisent que de posséder des projets ensemble, aussi petits soient-ils, maintient leur satisfaction conjugale. La planification et l’anticipation de ce projet de même que la réalisation de ce dernier créeront des liens entre les amoureux, leur feront vivre du plaisir puis des émotions positives renforçant la satisfaction conjugale. Ils feront ainsi équipe, pas seulement face à la maladie ou face à la perte d’autonomie, mais également face à des moments agréables passés ensemble.

 

Il est important également de conserver les manifestations d’affection entre les partenaires. Un petit baiser par ci, une accolade par-là, se donner la main ici, tous des moments de rapprochement et de complicité à deux renforcent l’intimité entre les conjoints!

 

Par la suite, plusieurs couples mentionnent que de conserver des liens avec leur réseau social est important afin d’éviter l’isolement et de recevoir de l’aide puis du soutien. Comme proche aidant en couple, il faut accepter que la routine quotidienne soit modifiée et que le conjoint ne puisse plus répondre à nos besoins comme il le faisait auparavant. Plus le conjoint proche aidant accepte cette réalité et comble ses besoins non répondus auprès de personnes extérieures au couple, plus le couple se dit satisfait de sa vie conjugale (Gottman, 2011; Appui Mauricie, 2018)

 

Bref, vivre en couple de façon satisfaisante quand la maladie ou la perte d’autonomie frappe l’un des conjoints est possible. Il faut seulement accepter de réinventer notre façon d’être amoureux, se concentrer sur le moment présent et prendre un problème à la fois en demeurant sur le mode problème/solution. Ainsi, on savoure chaque petit moment de bonheur que la vie nous offre, comme un cadeau qu’on s’offrait chaque jour soit celui de demeurer amoureux malgré la proche aidance.

Carmen Lemelin, Ph. D., chercheure et professeure de psychologie

 

Références
APPUI Mauricie (2018). Prendre soin de moi tout en prenant soin de l’autre : guide de prévention de l’épuisement aux proches aidant, 2e édition, Repéré à https://www.lappui.org/Regions/Mauricie/Actualites-et-Activites/Actualites/2018/Prendre-soin-de-soi-tout-en-prenant-soin-de-l-autre-Guide-de-prevention-de-l-epuisement-destine-aux-proches-aidants-La-reedition

Badr, H., Acitelli, L.K., Duck, S., et Carl, W. (2001). Wearing social support and relationships together. Dans S. Duck (dir.) Personal relationships: their implications for clinical and community psychology (p.1-14). Chichester : Wiley.

Cano, A., Johansen, A.B., Leonard, M.T. et DeGroot-Hanawalt, J. (2005). What are the marital problems of chronic pain patients, Current Pain and Headache reports, 9, 96-100.

Fisher, L., Chelsa, C.A., Skaff, M.M., Mullan, J.T. et Kanter, R. A. (2002). Depression and anxiety among partners of European-American and Latino patients with type 2 diabetes, Diabetes care, 25, 1564-1570.

Gottman, J, M (2011) The science of trust : Emotional attunement for couples. New York, : Guilford.